De excidio reliquiarum – de l'exil des reliques

Le prestige des saints bretons serait sans doute moins grand s'ils n'avaient voyagé, tant de leur vivant entre la Grande-Bretagne et le continent qu'après leur mort, où les invasions normandes ont entraîné une mobilité considérable des reliques, que les moines des abbayes bretonnes voulaient à tout prix sauvegarder.

Si le IXe siècle a été une période importante d'incursions et de pillage par les Normands, les choses s'aggravent pour la Bretagne au Xe siècle : en effet, les Normands s'installent désormais à demeure, comme les chroniques historiques l'indiquent :
- en 911, le roi Charles le Simple, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, donne au chef norvégien Rollon les comtés (ou évêchés) de Rouen, Lisieux et d' Evreux, en échange d'un hommage au suzerain et du baptême (le chef normand reçoit le prénom Robert).
- en 924, le roi Raoul, successeur de Charles le Simple, cède à Rollon les diocèses de Sées, du Mans et de Bayeux, afin de maintenir l' hommage au suzerain.
- en 933, Guillaume Longue Epée, fils de Rollon, confirme son hommage en se voyant attribuer les diocèses de Coutances et d' Avranches, d'où il doit chasser les Bretons qui en étaient les seigneurs reconnus.
A partir de 911, les Normands considèrent la Bretagne comme une terre ouverte au brigandage et aux rapines. La déliquescence de l'autorité des rois bretons est totale, même les plus courageux des seigneurs ont fui auprès du roi d'Angleterre Athelstan.

Les destinations des corps des saints ont été très diverses, si bien que la documentation existante est particulièrement éparse. Cette page est donc une tentative de regroupement des informations multiples, et l'essai d'une structuration des informations diverses disponibles en de nombreux endroits.
Le choix a été fait de ne pas exclure de cette liste les saints bretons ayant émigré en Francia de leur vivant. Ils sont peu nombreux, et peuvent trouver leur place dans ce cadre. En font partie : le plus célèbre d'entre eux, saint Josse, mais aussi saint Winoc et quelques autres saints moins connus. Saint Colomban y figure aussi, bien qu'il soit d'origine irlandaise ; mais il est surtout connu en France pour la fondation de l'abbaye de Luxeuil.
On trouvera ci-dessous des informations sur la localisation (définitive ou temporaire) des reliques, leurs partages ultérieurs et leurs destructions éventuelles, et si possible, l'état des lieux actuel du domaine d'enquête.

Les extraits d'Albert Le Grand et de Dom Lobineau sont parfois concordants et parfois contradictoires, comme on pourra le voir. De plus, l'abbé Tresvaux a complété les textes de Dom Lobineau, et ses apports sont reconnaissables, à ce qu'ils sont facilement datables d'après 1725, date de publication de l'ouvrage de Dom Lobineau, et surtout d'après la Révolution, où beaucoup des reliques furent détruites.

Pour simplifier ce document, deux types d'entrée ont été créées :
- par nom de saint,
- par nom d'abbaye (en Bretagne ou ailleurs).

Cette page sera enrichie régulièrement, mais les sept saints fondateurs bretons y figurent déjà.

SAINTS

Brieuc (saint).- L'évêché qui porte son nom était, comme ceux de Saint-Pol de Léon, de Tréguier et de Dol, issu de partitions des anciennes cités gallo-romaines. Selon Albert Le Grand, les reliques (le corps entier) de saint Brieuc furent transportées par Erispoé à Angers à l'abbaye Saint-Serge, où Pierre, évêque de Saint-Brieuc, alla en 1210 en demander une partie. Il obtint un bras et deux côtes. Il est intéressant de noter le texte donné par Albert Le Grand comme étant celui d'une plaque de marbre qui accompagnait les reliques en 1210 : "Hic jacet corpus beatissimi Confessoris Brioci Episcopi Britanniae, quod detulit ad Basilicam istam (quae tunc temporis erat Capella sua) Ylispodius Rex Britannorum". Ce texte apparaît comme très postérieur à l'époque d'Erispoé, par la mention "quae tunc temporis erat Capella sua" à l'imparfait.
Dom Lobineau reprend la même histoire, et corrige le nom d'Erispoé, en précisant qu'à la lecture de l'inscription ci-dessus, "tous les assistants, peu instruits de l'histoire, furent surpris d'entendre nommer un roi qui leur était inconnu, dont le royaume cependant, ajoutent les mémoires anciens d'où nous tirons ceci, s'étendait jusqu'au Vendomois." D'où l'on peut déduire que le texte était très antérieur à 1210, puisque son contenu surprenait à cette date.

Colomban (saint).- Saint d'origine irlandaise, on peut le qualifier de saint européen. Né vers 540, formé à Bangor, son séjour en Francia passa peut-être par la Britannia Minor. Il fonda l'abbaye de Luxeuil, puis fut obligé de quitter la Francia et d'aller vers l'ltalie, où il fonda le monastère de Bobbio. Il y mourut vers 615. Ses reliques n'y sont pas attestées. Le chanoine Garaby le donne comme patron de Brelidy, "où l'on conserve une partie de ses reliques". D'autres reliques seraient arrivées à Locminé, dont saint Colomban est le patron ; la chapelle Saint-Colomban, aussi grande que l'église, communiquait avec elle par un passage intérieur. L'effondrement de la nef en 1974 entraîna la destruction des deux bâtiments dont les façades furent cependant conservées. Autrefois, les fous et les possédés étaient enchaînés pendant 9 jours dans la chapelle du Mal, attenante à la chapelle Saint-Colomban, en vue de les guérir. Près de l'autel de la chapelle Saint-Colomban, on pouvait lire les litanies du saint : "Saint Columban, patron de Locminé, priez pour nous" et "Saint Columban, secours des imbéciles, priez pour nous" (cité par M. Cayot-Délandre dans son ouvrage "le Morbihan, son histoire et ses monuments" - 1847). On raconte que des mauvaises langues avaient transformé ces litanies en un dicton local : "Saint Colomban, patron des imbéciles, priez pour nous"... Saint Colomban a donné son nom à plusieurs communes, comme Plougoulm (Finistère), Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine), Saint-Colomban (Loire-Atlantique, autrefois Saint-Colombin), Saint-Colomban-des-Villards (Savoie), mais plusieurs saints ont porté ce nom.

Saint austère imposant une règle rigoureuse à ses disciples, il n'a pas laissé que des bons souvenirs sur son passage. Ainsi, en Savoie, "une vieille légende prétend que lorsque saint Colomban évangélisa la Tarentaise, il déclara que toute femme qui se regarderait dans un miroir serait changée par Dieu en serpent. C'est pourquoi, afin de ne jamais oublier cette menace, les Tarines auraient, depuis ce jour, enroulé leurs cheveux comme des serpents et, pour ne point être tentées de se regarder dans une glace, choisi une coiffure si compliquée qu'elles sont obligées d'avoir recours à un tiers pour la réaliser". [ texte noté à l'exposition sur les costumes locaux à Peisey-Nancroix, Savoie, août 2002. Les femmes tressaient leurs cheveux, en les allongeant éventuellement avec du raphia, pour les rouler en "couëches" (en Bretagne, on dirait "cuches") avant de mettre en place la superbe coiffe savoyarde à la "Marie Stuart"]

Corentin (saint).- Evêque de Quimper, "on l'inhuma dans son église cathédrale, où ses reliques furent conservées avec respect jusqu'à l'époque des Normands. La crainte qu'on eut alors qu'elles ne fussent profanées par ces barbares détermina le clergé de Quimper, en 878, à les retirer du lieu où elles étaient enfermées. Plus tard, elles furent confiées à Salvator, évêque d'Aleth, qui, à cause de la guerre dont la province était menacée, se réfugia en France, emportant avec lui les corps des principaux saints de la Bretagne. Le prélat arriva à Paris en 965, et remit son dépôt entre les mains de Hugues-Capet, alors comte de Paris, qui les reçut avec respect et les fit déposer en l'église de Saint-Barthélémi en la Cité. Ces saintes reliques ayant ensuite été partagées entre diverses Eglises, celles de S. Corentin furent données à la célèbre abbaye de Marmoutier ; mais il en resta quelque portion à Paris, car l'abbaye de Saint-Victor en a possédé une jusqu'à la révolution. C'est de Marmoutier que l'Eglise de Quimper obtint, en 1643, un bras de son saint patron, qui fut honorablement placé dans la cathédrale, et devint l'objet de la vénération particulière des fidèles du pays. La révolution a fait perdre ce précieux dépôt, ainsi que le reste du corps de saint Corentin. En 1809, on n'en possédait plus à Tours qu'un petit ossement, qui fut donné à cette époque à M. Dombidau de Crouseilhes, alors évêque de Quimper ; et ce prélat le fit déposer dans son église cathédrale, où cette relique est maintenant conservée". (Dom Lobineau, complété par l'abbé Tresvaux)
Albert Le Grand nous dit que "Ce saint corps demeura à Kemper jusques à l'an 878 que les Normands ayant pris terre en Cornoüaille, les Chanoines & Ecclesiastiques de Kemper se retirerent à Tours, emportans le tresor de leur Eglise, &, entre autres reliques, le Corps de saint Corentin, qu'ils mirent en l'Eglise de saint Martin ; depuis, il fut transporté à Marmoutier, où il est reverement conservé."

Ethbin (saint).- Né près de Dol en 563, il aurait été moine dans un monastère de ce diocèse (Taurac), avant de quitter la Bretagne pour l'Irlande vers 600. Sa mort est datée entre 613 et 643, et ses lieux de séjour sont mal connus. La commune de Port-Mort (Eure) affirme détenir sa tombe ; un dolmen de la commune porte le nom de Table de St Ethbin. Un parchemin contenant une ancienne vie du saint rédigée au prieuré de la Madeleine en Pressagny (Eure) aurait été retrouvé en 1972 dans les Pyrénées, à Saint-Pé de Bigorre.

Gildas (saint).- Son nom breton est Gweltas. A noter que le "s" final ne se prononce plus dans les formes romanes, mais se prononce toujours en breton. Un prototype Uuiltas- ou Wiltas- peut correspondre aux deux formes du nom, bretonne et romane, en évoluant d'abord en Gwiltas; puis en roman, perte du "w", palatalisation du "G" prononcé en "J" et lénition du "t" en "d" ; en breton, évolution du "i" en "e". Ce sont des mécanismes d'évolution phonétique bien connus. Pourtant, il y a un problème, car la forme Gildas est bien celle qui est attribuée à l'auteur du "De excidio Britannia" (ou "De excidio Britonum") vers 540. Même si on ne peut pas dire que le nom "Gildas" est attesté formellement à cette date, c'est encore la même forme que l'on retrouve dans les Annales Cambriae au Xe siècle. On peut donc se demander s'il n'y a pas eu confusion entre un Gildas d'outre Manche et un Weltas d'Armorique, ou bien s'il n'y a pas eu une fausse régression du nom en breton après l'écriture de la Vita au XIe sècle par Vitalis.
Dom Lobineau nous dit que "lorsque les ravages des Normands obligèrent les évêques et les abbés à mettre à couvert de la rapacité et de la profanation de ces barbares les sacrés dépôts qui enrichissaient leurs églises, Dajoc, abbé de Rhuys, cacha sous l'autel de la sienne, dans le tombeau du saint abbé, huit de ses plus grands ossements, qui sont encore conservés dans le même lieu, et emporta le reste avec lui, hors de la province, c'est-à-dire à Bourg-Déols, dans le Berri, où il y a une église qui porte nom de Saint-Gildas, laquelle fut bâtie pour les religieux de Rhuys et de Locminé, par Ebbo, seigneur de ce canton."
(Ceci se passait vers 920. Bourg-Déols est aujourd'hui Déols, dans l'Indre. Dom Lobineau nous dit que l'abbaye du lieu fut supprimée en 1622.)
Mais c'est de l'abbaye de Floriac (Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret) que vinrent au XIe siècle les restaurateurs de l'abbaye de Rhuys.

Goulven (saint).- Connu comme évêque de Léon, l'époque de sa vie est problématique, puisque le Propre de Léon le place au VIIe siècle, ainsi que Du Paz et Albert Le Grand ; mais le Bréviaire de Rennes et Dom Lobineau le placent au Xe siècle (choix qui a été reconnu comme erroné). Il semble avoir eu des liens avec saint Didier, évêque de Rennes, daté du VIIe siècle. Dom Lobineau conte sa naissance à Plouider, près de la côte, au lieu devenu la commune de Goulven. Vers la fin de sa vie, ses mérites le firent élire évêque de Léon. Dom Lobineau nous dit que "Après quelques années d'épiscopat, pendant lesquelles S. Goulven fut obligé de se rendre à Rennes pour quelques affaires ecclésiastiques, il y fut attaqué de la fièvre, et sentant ses forces affaiblies, il avertit Maden, son fidèle ministre, du jour et de l'heure de sa mort, et lui donna la croix d'or qu'il portait, avec ordre de la mettre dans l'église qui avait été bâtie auprès de son Peni-ti. Il mourut en effet le jour qu'il avait marqué, c'est-à-dire le 1er juillet, et les religieux de saint Melaine enterrèrent son corps dans leur église, où Dieu a fait de grands miracles par son intercession. Dans la suite son corps fut levé de terre, et quelques personnes du pays de Léon obtinrent une jointure d'un de ses doigts, qu'ils déposèrent dans l'église de Saint-Goulven [Lire Goulven]. Le reste, selon le P. Albert le Grand, fut mis partie dans l'église cathédrale de Rennes, partie dans celle de Saint-Melaine, et une autre partie dans l'église paroissiale de Goulven en Cornouaille [lire : Goulien]. Outre l'église bâtie auprès du Peni-ti, qui a depuis porté le nom de Saint-Goulven, les fidèles bâtirent une chapelle en son honneur à Odena, où il était né. Les Actes que nous avons suivis, et qui avaient autrefois été recueillis par le P. Du Paz, mettent la mort de S. Goulven l'an 600. Le P. Albert le Grand met sa naissance en l'an 540 ; mais la fausseté de ces dates est prouvée par la mention qui est faite dans sa vie du comte Even le Grand, des Normands et du monastère de Saint-Melaine. le monastère de Saint-Melaine n'était pas encore bâti en 540. Les Normands n'ont commencé à ravager la Bretagne que dans le IXe siècle, et le comte Even n'a vécu que dans le Xe siècle, selon le Cartulaire de l'abbaye de Landevenec. C'est ce qui nous a déterminé à placer S. Goulven dans le Xe siècle. L'ancien Bréviaire de Léon met sa fête à neuf leçons le 1er juillet, aussi bien que celui de Dol de l'an 1519, qui ne fait que simple commémoration de ce saint évêque. On en faisait aussi l'office dans l'abbaye de Saint-Melaine ; et le diocèse de Rennes l'honore encore."

Albert Le Grand fixe sa mort à 616, et poursuit : "Son Corps fut solemnellement inhumé dans l'Abbaye de Saint Melaine lés Rennes ; & ses Reliques, ayant esté depuis levées de terre & mises en lieu plus honorable, les Leonnois, à force de prieres, obtinrent une partie des Ossemens d'une de ses mains, lesquels, richement enchassez, sont gardez reveremment dans son Eglise de Goulven, l'un des plus devots Pelerinages de Leon ; le reste, richement enchassé, fut mis, partie en la Cathedrale de Saint-Pierre de Rennes, partie audit Monastere de Saint-Melaine, et autre partie en l'Eglise Parochiale de Goulven, en Cornoüaille."

Extrait du Propre des diocèses de Bretagne, Rhedonis, 25 jan. 1955 :
"Le 4 juillet - Saint Goulven, Evêque et Confesseur. Rennes, Quimper.
Saint Goulven naquit dans le Léon, de parents fraîchement émigrés de Grande-Bretagne. Il vécut longtemps dans un ermitage sur le territoire de Goulven, serait ensuite devenu évêque de Saint-Pol-de-Léon et se retira de nouveau dans un ermitage au pays de Rennes où il mourut en 616 croit-on. Il est le patron de Goulven et Goulien. La cathédrale de Rennes conserve encore une partie de ses reliques
".
Selon le chanoine Garaby, d'Argentré dit de lui : " Il fut premièrement successeur de saint Pol, en l'évêché de Léon, et depuis fut évêque de Rennes. Ayant quelque temps administré sa charge, il la quitta pour suivre une vie plus austère, se retirant près du bourg de Saint-Didier, à quatre lieues de Rennes, au lieu appelé la Motte-Mérioul, dont il fit son ermitage."
Garaby, qui date sa mort du 1er juillet 616, ajoute que Saint Goulven avait une soeur nommée Pétronille ; la forme bretonnisée du nom, "Peronell", de par sa trop grande proximité avec un adjectif français à sens fortement péjoratif, ne semble pas avoir été de nature à favoriser l'usage de ce prénom.
Pour en savoir plus, les membres de l'association peuvent consulter "LA VIE LATINE DE SAINT GOULVEN - TRANSCRIPTION - TRADUCTION - COMMENTAIRE", par YVES MORICE, mémoire de maîtrise Année 1999 - 2000 - Université de Haute Bretagne - Rennes 2.

Guenhaël (saint).- Connu comme successeur (pendant sept ans) de saint Guénolé à l'abbaye de Landévennec, saint Guenhaël se serait retiré, après de longues pérégrinations outre Manche, sur l'île de Groix avec plusieurs moines, puis à l'embouchure du Blavet, sur la paroisse de Caudan, où se trouvaient les lieux-dits Saint-Guenhaël (modernisé en Saint-Guenaël) et Locunel, avec sa chapelle Saint-Guénolé ; les deux sites, voisins, sont aujourd'hui sur la commune de Lanester. Une urbanisation peu respectueuse du patrimoine culturel les a privés au XXe siècle d'un espace public qui aurait pu les mettre en valeur.
La chapelle Saint-Guenhaël faisait partie de l'ancien monastère édifié par le saint à la fin de sa vie, et où il est décédé. Jacques le Goualher a écrit, pour Britannia Monastica n°6, une intéressante étude où il recherche avec des méthodes scientifiques le chemin de l'exil des reliques de saint Guenhaël vers 925 depuis Caudan, à destination de Courcouronnes et Corbeil (Essonne), où les reliques ont été vénérées jusqu'à la Révolution au prieuré Saint-Guénault. Une recherche des patronymes proches du nom Guenhaël lui a permis de déceler le passage probable des moines par Auxerre.
Extrait de "Les Vies des saints de Bretagne" de Dom Lobineau (édition Tresvaux) : "Le corps de saint Guenaël fut porté à Vannes et inhumé dans l'église cathédrale où l'on voit encore son tombeau, et tout auprès un autel qui porte son nom. En 966, ses reliques furent enlevées de Bretagne, à cause de la crainte que l'on avait des Danois, portées à Paris, et déposées ensuite au château de Corbeil, où le comte Haymon fit bâtir une église à l'honneur de S. Guenaël, appelé dans le pays S. Guenaut. Ces précieuses reliques étaient renfermées dans une châsse placée au-dessus du maître-autel de l'église qui portait le nom du saint, mais elles ont été perdues dans la révolution, et l'église ne subsiste plus. Cette église fut augmentée en 1007 par Bouchard, comte de Corbeil ; il y eut un abbé et quatre chanoines jusqu'au temps de Louis le Gros, qui en fit un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Victor de Paris. C'est de Corbeil, selon le propre imprimé en 1660, qu'un évêque de Vannes a eu la portion des reliques de S. Guenaël qui se trouvait dans l'église cathédrale de ce diocèse, et dont on croit posséder encore quelque partie. Cette église l'honore comme un de ses patrons, avec office double le 3 novembre ou le dimanche suivant, et a renvoyé au 10 du même mois la fête de S. Gobrien, évêque de Vannes, que les autres églises de la province célébraient le 3. L'ancien Bréviaire de Léon marque aussi la fête de S. Guenaël abbé au 3 novembre, avec office de neuf leçons."

Guénolé (saint).- Si les Normands font leurs premières incursions en Bretagne vers 840, la situation semble relativement maîtrisée jusqu'à la mort de Salomon en 874. Ensuite, la situation devient plus anarchique. Pourtant, il semble que c'est à l'abbaye de Landévennec que Uurmonoc compose la vie de saint Paul-Aurélien en 884. Les Normands pillent l'abbaye en 913, et on peut dater la fuite des moines avec les reliques de saint Guénolé de cette époque. Finalement, une question se pose : que restait-il à emporter de Landévennec en 913 si les Normands avaient tout pillé?
La fuite des moines se fit probablement par le centre de la Bretagne, avec une halte plus ou moins longue mentionnée à Pierric, en Loire-Atlantique, où l'église est dédiée à saint Guignolet ; puis, hors de Bretagne, un séjour à nouveau assez long au Mans dans la Sarthe (ou à Château-du-Loir, à 35 km au sud-est).
Après le Maine, les moines réapparaissent à Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais), où Helgaud, comte de Ponthieu de 886 à 926, les accueille avec munificence dans l'enceinte (appelée plus tard "fermeté" d'Helgaud) qu'il a fait construire pour protéger des Normands les 27 hectares de la Ville. Il leur attribua des terrains à l'intérieur de l'enceinte pour construire un monastère (nommé Saint-Walloy ou Saint-Wallois) et héberger les reliques de saint Guénolé.
[ Dans le Maine, le développement du culte de saint Gwennolé est peut-être largement postérieur au passage des moines de Landévennec. En effet, Gervais, évêque du Mans de 1036 à 1055, fit construire l'église Saint-Guingalois de Château-du-Loir (paroisse dont il était natif), et la crypte reçut les reliques de saint Guénolé. Mais en 1078, Foulques IV d'Anjou s'empara des reliques pour les transporter à Angers, où on les retrouve ensuite à l'église Saint-Laud.]

Josse (saint).- Son nom vient du vieux breton Iudoc, qui a donné la forme latine Iudocus ou Judocus, les formes romanes Judoce et Josse, et les formes bretonnes Uzec, Uec. Une forme "sant Jeg" est aussi connue à Yvias près de Paimpol.
Vers 630, sous le règne du roi Dagobert, le jeune prince de Domnonée Iudoc (Judoce, Josse) refuse la succession de son frère, et part pour un pèlerinage vers Rome. C'est ce que nous raconte la tradition. C'est pourtant à Paris qu'on le retrouve. Il semble jouer un rôle d'ambassadeur, sans que l'on sache quels étaient les objets de ces négociations.
Il profite aussi de son séjour à Paris pour parfaire ses études classiques, et se fait remarquer des dignitaires ecclésiastiques, qui lui confient une mission vers le comte de Ponthieu, Haymon, lequel semble porter aussi le titre de dux Franciae Maritimae, et réside à Quentovic, c'est-à-dire vraisemblablement Montreuil.
Ordonné prêtre, Judoc passe quelques années à la résidence d'Haymon ; puis selon ses Vitae, il s'installe vers 643 à Brahic non loin de Montreuil, vers 652 à Runiac (Saint-Martin-d'Esquincourt), et enfin vers 664 à Schaderias (Saint-Josse-sur-Mer) à l'embouchure de la Canche, à 7 km à l'ouest de Montreuil, où il installe son ermitage (cella maritima).
Saint Josse mourut en 669 et fut inhumé à Schaderias, qui prit son nom, et où un monastère fut bientôt construit sous le nom de Saint-Josse.
Le culte de saint Josse se répandit dans toute l'Europe, et l'on compte jusqu'à 55 lieux de culte, y compris au Danemark, en Suisse, en Autriche, en Allemagne, en Grande-Bretagne, etc., ce qui en fait un saint éminemment européen.
A Montreuil même, deux églises étaient anciennement dédiées à saint Josse : l'une au bord de la Canche, Saint-Josse-au-Val, à l'emplacement d'un oratoire qu'il aurait créé ; l'autre, Saint-Josse dans les murs, à l'intérieur de l'enceinte primitive. Cette église disparue était fort proche de l'abbaye Saint-Wallois, et a pu être à l'origine de la fondation du monastère par les moines de Landévennec, le nom de Monasteriolum étant devenu Mosteriol puis Montreuil.
Cette église, dont les fondations remontaient au VIIIe siècle, comportait sous l'autel un puits d'environ 6 mètres de profondeur, qui donnait accès à un caveau de 5 mètres de long : il s'agit probablement de la "confession" du saint, qui permettait de conserver les reliques, et reçut sans doute celles des saints qui vinrent plus tard de Bretagne.
A Paris avait été fondée également une église Saint-Josse, qui aurait subsisté jusqu'à la Révolution.
Le nom Iudoc, dont l'évolution normale aurait dû être Izec, a donné en breton la forme Uzec, réduite éventuellement à Uec, d'où les noms de lieux Saint-Uzec et Lohuec. En français et gallo, la forme Judoce s'est vue réduite à Josse, d'où Saint-Judoce (Côtes-d'Armor) et Saint-Josse (Pas-de-Calais). Dans les langues germaniques, le nom est connu sous les formes Jos, Joos ou Joost et aussi la forme Jodok.

Lunaire (saint) - Saint-Lunaire se trouve à côté de Dinard (35) au bord de la mer. Le nom est latin, Leonorius, qui semble passer par une forme intermédiaire Lonarius avant d'aboutir à Lunaire. Sa Vita la plus ancienne se trouve dans le manuscrit latin 5317 de la Bibliothèque Nationale, issu de l'abbaye de Bonport dans l'Oise. L'analyse de son origine montre que des reliques du saint sont venus de Beaumont-sur-Oise, où le prieuré situé dans l'enceinte du château était dédié à saint Leonor. Dom Lobineau nous précise : "On voit dans l'église paroissiale (en Bretagne) son tombeau élevé de deux pieds de terre, et l'on y conservait ses reliques, le chef à part dans un reliquaire d'argent, et les autres ossements dans deux reliquaires d'ébène. Une autre partie avait été portée à Paris dans le Xe siècle avec celles des autres saints bretons, et ensuite à Beaumont-sur-Oise, où S. Léonor était honoré dans un prieuré qui porte son nom, et avait été fondé en 1185 par Matthieu, comte de Beaumont ; ce seigneur avait à cette époque obtenu les reliques du saint". L'arrivée de reliques de saint Léonor à Beaumont s'explique par le regroupement de reliques à l'abbaye de Léhon vers 920, puis l'exil vers Paris, avec l'accueil par Hughes le Grand en 956, et la fondation de l'abbaye Saint-Magloire à Paris. Un manuscrit provenant de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Orléans 343) montre qu'une vita d'époque carolingienne et d'origine bretonne a existé à l'origine, l'abbaye de Floriac (Fleury) à Saint-Benoît ayant toujours eu beaucoup de liens avec la Bretagne (surtout Saint-Gildas de Rhuys). Les reliques rapatriées en Bretagne semblent avoir disparu à la Révolution. Dom Lobineau signale aussi le "Bréviaire de Coutances de 1741. Ce dernier a des leçons détaillées et curieuses de S. Léonor". Pour en savoir plus, lire "La Vie Latine de Saint Lunaire" par Bernard Merdrignac et André Carrée.

Magloire (saint).- L'un des successeurs de Samson à la tête de l'évêché de Dol. Vers la fin de sa vie, il se retira à l'île de Sercq où il mourut. Lorsque le monastère de Léhon fut construit près de Dinan, les moines n'hésitèrent pas à aller chercher le corps de saint Magloire pour le rapatrier sur le continent. Ainsi fut fondée l'abbaye Saint-Magloire de Léhon, qui fut pendant plusieurs siècles un prieuré rattaché à l'abbaye de Marmoutiers (près de Tours, Indre-et-Loire).
Lors des invasions normandes, les moines de Léhon décidèrent de partir vers la Francia au Xe siècle, en emportant un nombre important de corps saints, présents à Léhon ou regroupés en ce lieu en vue du départ. L'exil se fit par Sablé, Angers et Orléans. La destination finale fut Paris, où la création d'un monastère s'en suivit. Ce fut l'origine de l'importante abbaye Saint-Magloire de Paris, aujourd'hui disparue.
Le texte de la "Translatio S. Maglorii" fut publié par Mabillon, et intégré par Lucien Merlet dans sa notice sur "Les origines du Monastère de Saint-Magloire" (1896). On peut lire aussi le travail récent d'Hubert Guillotel :
"L'exode du clergé breton devant les invasions scandinaves", in Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne (M.S.H.A.B.), tome LIX, 1982, p. 268-315, et plus particulièrement l'appendice : "Translatio sancti Maglorii", p. 301-315.

Malo (saint).- Extrait des "Vies des saints de Bretagne Armorique" d'Albert Le Grand (1636), sur les reliques du saint revenant de Saintonge après sa mort :
"Elles furent donc receuës avec des grandes réjouïssances à Becherel, d'où elles furent portées à Dinan puis à Chasteau-Neuf sur Rance, où l'Evêque d'Aleth & le Clergé les attendoient & les receurent des mains du gentil-homme qui les avoient apportées. On les porta en son Eglise Cathedrale de saint Pierre d'Aleth, & une partie en l'Abbaye de saint Vincent en l'Isle d'Aaron, où elles ont esté long-temps conservées, jusqu'à l'an neuf cens septante-cinq qu'elles furent portées à Paris, regnant le Roy Lothaire, qui les fit mettre en sa Chapelle, qui étoit celle qu'à present on appelle de S. Michel en l'enclos du palais, d'où elles furent transportées en l'Abbaye de saint Magloire, &, depuis encore, en l'Eglise de S. Jacques du Haut Pas; & fut la memoire de S. Malo si douce à ses Diocesains, que le Siege d'Aleth ayant esté transferé par saint Jean de la Grille, en l'Isle d'Aaron, tout le Diocese & la nouvelle ville qu'on avoit bâtie fut nommée & s'appelle encore à present Saint-Malo, qu'on dit communément de l'Isle, pour la distinguer de Saint-Malo de Baignon, belle Seigneurie appartenante aux Seigneurs Evêques de Saint-Malo."
Albert Le Grand signale le transfert des reliques de saint Malo à Paris (abbaye de Saint-Magloire); Dom Lobineau confirme ce transfert. Il précise qu'en 1582, après leur départ de l'abbaye Saint-Magloire, on les trouve dans l'abbaye de Saint-Victor, dans une châsse de cuivre. "Le corps était presque entier, à l'exception cependant du chef, d'un bras qui avait été rendu à la cathédrale de Saint-Malo, de quelques ossements donnés à l'église Saint-Maclou de Pontoise, et d'une côte qu'obtint la ville de Bar-sur-Aube [Aube], où une collégiale fut établie en l'honneur du saint évêque. En 1706, la paroisse de Saint-Maclou de Moiselles [Val d'Oise], près de Versailles, fut enrichie d'un os de l'épaule de son patron, qu'elle conserve encore. [suite : ajout de l'abbé Tresvaux] C'est peut-être la seule relique du saint qui subsiste maintenant. Celles qui étaient à Saint-Victor ont été détruites ou dispersées lors de la suppression de cette abbaye en 1791. La persécution a été si horrible dans la ville de Saint-Malo, pendant la révolution, que cette Eglise a aussi perdu celle qu'elle possédait."
Mais certaines des reliques de l'abbaye Saint-Magloire avaient pu être transférées, à une époque non précisée, vers Montreuil.

Maudez, Mandé (saint).- La forme la plus ancienne du nom semble être Maudetus, devenue en breton "Maudez". La réduction bretonne de la diphtongue a donné le moderne "Modez". Une forme latine "Mandetus" a existé, accompagnant la réduction romane de la diphtongue d'une nasalisation. Dom Lobineau nous dit qu'il se retira, après avoir vécu au monastère de Tréguier, dans son ermitage de Lanmaudez, puis dans l'île Saint-Maudez près de Bréhat, où il décéda. Les reliques du saint furent exportées vers la région parisienne au Xe siècle, et une petite chapelle fut construite dans la forêt de Vincennes pour y déposer les reliques. Un prieuré fut bientôt construit à proximité, portant le nom de Saint-Mandé. Un acte du 25 juin 1203 le mentionne comme dépendance de l’abbaye de Saint-Magloire. Un village se créa bientôt, et l'agglomération prit le nom de Saint-Mandé, qu'elle porte encore aujourd'hui.
Extraits de Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux : "Les Normands ravageant les environs de Tréguier en 878, le corps de S. Maudez fut emporté hors de Bretagne, par les religieux de son monastère, et déposé dans l'église de Bourges, où il est resté, pour la plus grande partie, jusqu'à l'époque des ravages des Calvinistes. Le comte de Penthièvre, fondateur de l'abbaye de Beauport, de l'ordre de Prémontré, au diocèse de Saint-Brieuc, obtint dans la suite, de l'église de Bourges, le chef de ce saint, et en enrichit cette nouvelle abbaye, d'où il a été porté dans l'église de Plouézec qui le conserve maintenant. Il y a eu encore d'autres églises qui possédait de ses reliques, et entre autres celle de l'abbaye de Paimpont, au diocèse de Saint-Malo. L'ancienne cathédrale de Tréguier en a aussi une portion assez considérable. [...]
Dans le IXe ou Xe siècle, des religieux bretons portèrent à Paris quelques-unes des reliques de ce saint abbé, et ils y bâtirent, très-près de Vincennes, sous son invocation, une chapelle, qui dans la suite devint un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Magloire. On conserve encore dans cette chapelle, devenue église succursale depuis la révolution, un os d'un bras de S. Maudez. Il s'y faisait autrefois un grand concours le 14 mai, jour où l'on célébrait la translation de cette relique. Cette dévotion envers le saint n'a pas entièrement cessé. On va à Saint-Mandé, c'est ainsi qu'on l'appelle à Paris, pour obtenir la guérison des enfants malades, et son office se célèbre solennellement dans cette église le dimanche le plus prochain du 18 novembre."

Melaine (saint).- Evêque gallo-romain de Rennes décédé en 530, il fut enterré près de la ville, à l'emplacement de la future abbaye Saint-Melaine. Dom Lobineau nous dit que Grégoire de Tours, dans le 55e chapitre de son ouvrage "De la Gloire des confesseurs", signale que le feu ayant pris dans l'église construite sur son tombeau et l'ayant entièrement détruite, le corps du saint évêque ne fut pas endommagé. Les reliques du saint seraient ensuite allées à Bourges en 853 pendant les ravages des Normands. Au 13e siècle, une partie des reliques seraient revenues de l'abbaye de Preuilly en Touraine. En 1679, lors de l'installation d'une nouvelle chasse, "il se trouva dans la vieille châsse un nombre d'ossements considérable". Il semble qu'après la Révolution il ne reste plus dans l'ancienne église de l'abbaye Saint-Melaine qu'un morceau du tibia du saint, qui serait aujoud'hui à la cathédrale de Rennes.

Patern (saint).- Dom Lobineau date sa mort de 448, à l'âge de 90 ans. Ses reliques étaient conservées à Vannes, dans une église construite en son honneur ; "mais, lorsque les ravages des Normands en France, au IXe siècle, firent craindre qu'elles ne fussent profanées, on les emporta hors de Bretagne, et les religieux de Marmoutier [près de Tours] les eurent, dit-on, en garde pendant quelque temps. Elles furent ensuite, vers l'an 1000, transférées à l'abbaye nouvellement fondée à Issoudun, puis placées dans l'église d'un prieuré qui portait le nom du saint évêque et dépendait de cette abbaye. Jusqu'à la révolution, elles ont été conservées dans un tombeau en pierre, élevé sur quatre piliers. Le chef et l'un des bras étaient dans des reliquaires séparés, et on les portait en procession. Lors de la suppression des ordres religieux, l'église du prieuré de Saint-Patern fut fermée, et ses reliques déposées dans celle de Saint-Cyr d'Issoudun, où bientôt elles devinrent la proie des révolutionnaires, qui les dispersèrent. Des personnes pieuses sauvèrent quelques débris du chef, et le bras entier, qu'on expose encore aux fêtes solennelles. L'église paroissiale de Saint-Patern, à Vannes, possède une petite partie du crâne de son patron, enchassée dans un buste en bois peint." (texte complété par l'abbé Tresvaux).
Albert Le Grand nous précise qu'à Vannes "fut édifiée une belle Eglise, laquelle fut dediée en l'honneur de saint Patern, & est une des Paroisses de la Ville de Vennes, où demeura le Corps de saint Patern, jusques à l'an de salut 878. que, pour crainte des Barbares, Normands & Danois, qui, ayant mis pied à terre en Bretagne, ravageoient tout le pays, il fut transporté, avec le Corps de saint Corentin, au Monastere de Marmoûtiers lés Tours".

Paul-Aurélien (saint).- décédé vers 570, "ses saints Ossemens, richement enchassés, [furent déposés] parmy les autres Reliques de son Eglise de Leon, où ils ont esté reveremment gardez & religieusement visitez par les Bretons & estrangers jusques à l'an de grace 878, que les danois, estans descendus en Bretagne Armorique, ravagerent le pays, renversans les Eglises, brûlans les saintes Reliques & mettans tout à feu & à sang par tout où ils passoient. Liberal, pour lors Evesque de Leon, enleva les Reliques de S. Paul & les porta au Monastere de S. Florent, là où elles ont demeuré jusques à l'an 1567, que les Huguenots, s'estans rendus maistres de ce celebre Monastere, brûlerent ou jetterent les saintes Reliques et butinerent les riches Chasses où elles estoient encloses." (Albert Le Grand)
Le récit de dom Lobineau est différent : "Mabbo, évêque de Léon, qui vivait vers le milieu du Xe siècle, transporta les reliques de S. Paul à Fleury-sur-Loire, où il se retira et où il mourut. La châsse de S. Paul fut mise auprès de S. Benoît, et toutes les deux furent renfermées dans une caisse revêtue d'argent. Les reliques du saint évêque furent en partie brûlées et en partie dispersées, lorsque les Calvinistes désolèrent ce monastère et pillèrent son trésor. L'église de Léon n'a pas été entièrement dépouillée des reliques de son patron ; elle possède encore son chef, un os entier de son bras droit, et de plus un doigt intact, renfermé dans une boîte d'argent, avec cette inscription : Doet de M.S.Paul, évêque et patron de Léon. Ces reliques ont été visitées et reconnues authentiques, le 6 juillet 1809, par M. Dombidau de Crousheilles, évêque de Quimper. On gardait autrefois une partie de la tunique de S. Paul dans l'église de l'abbaye de Saint-Victor à Paris, et l'autre partie dans celle de Saint-Magloire, de la même ville." (texte complété par l'abbé Tresvaux).

Samson (saint).- Selon "les vies de saints de Bretagne" de Dom Lobineau (édition de l'abbé Tresvaux, 1836), "L'église cathédrale, aujourd'hui paroissiale, de Dol porte le nom de S. Samson, aussi bien que plusieurs églises paroissiales dans d'autres diocèses. Son corps fut enlevé de celle de Dol, du temps des Normands, et porté à Paris, sous le roi Lothaire [Duchêne, tome 3, pag.344], par Salvator, évêque d'Aleth, avec plusieurs autres corps saints, et depuis une partie fut rapportée en Bretagne. L'église de Dol possédait un fémur, quelques fragments d'autres ossements et quelques vertèbres de son saint patron. Ces saintes reliques furent visitées et transférées dans une châsse neuve, le 24 décembre 1579, par l'évêque diocésain nommé Charles d'Espinai. A l'époque de la révolution, elles étaient placées à côté du maître-autel de la cathédrale, dans un très-beau et très-grand reliquaire ; mais elles sont maintenant détruites. Quant au reste du corps de S. Samson, laissé à Paris, il fut partagé entre l'église de S. Barthélémi et la ville d'Orléans. Dans cette dernière, on bâtit en l'honneur du saint évêque une église qui a été occupée par les Jésuites, jusqu'à leur destruction. Ils ne possédaient pas les reliques de S. Samson ; elles avaient été si bien cachées, du temps des ravages de Protestants, dans le XVIe siècle, qu'on n'a jamais pu les retrouver. Peut-être furent-elles alors l'objet de la fureur de ces impies. Les ossements conservés à Paris étaient en dernier lieu dans l'église de Saint-Magloire, ils se trouvent maintenant dans celle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas."

Tudgual (saint).- Le nom a été déformé en français en "Tugdual".
Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux nous disent : "Pour soustraire les reliques de s. Tugdual aux profanations des Normands, l'un de ses successeurs dans le IXe siècle, appelé dans les actes de S. Tugdual Gorennan, les emporta hors de Bretagne en 878. Il voulut les remettre à l'Eglise de Chartres, où elles avaient déjà été conservées pendant d'autres troubles ; mais en passant par Laval, le bon accueil qu'il reçut des habitants de cette ville et les services qu'ils lui rendirent le touchèrent tellement qu'il leur donna une partie considérable du précieux trésor dont il était dépositaire. Il porta le reste à Chartres, où il fut divisé la même année entre cette Eglise, qui retint son chef et quelques ossements, la collégiale de Saint-Aubin de Crépy-en-Valois, et la ville de Château-Landon. La portion des reliques qui était à Laval fut en 1406 placée dans l'église de Notre-Dame, où se trouvait un chapitre, qui prit le nom de Saint-Tugal et qui a subsisté jusqu'à la révolution. Les ruines de cette église n'ont entièrement disparu qu'en 1834. ces reliques, conservées autrefois dans une belle châsse d'argent et qui consistent en fragments de tibias et fémurs, le sont encore maintenant dans une châsse de bois doré, et c'est l'église paroissiale de la Trinité qui les possède. Elles furent visitées par M. de Tressan, évêque du Mans, le 16 juillet 1674, et récemment, le 20 avril 1826, par M. de la Mire Mory, son successeur dans ce siège. Celles de Château-Landon se trouvaient dans une église qui était tout à la fois prieuré et paroisse. Elles consistaient en l'os d'une épaule et deux petits ossements. Renfermées dans une chasse d'argent, elles y furent pendant longtemps l'objet de la vénération des fidèles ; mais en 1568, les Calvinistes, s'étant emparés de Château-Landon, prirent ces saintes reliques et les jettèrent au feu. Une femme eut le courage de se mêler parmi eux, et d'arracher des flammes l'os de l'épaule, qu'elle sauva et rendit à l'église qui le possédait. l'Eglise de Chartres a perdu dans la révolution le chef du saint et les autres ossements qu'elle conservait. Une châsse de vermeil, de petite dimension, mais très-ornée, les renfermait ; cette châsse était anciennement placée derrière le maître-autel de la cathédrale. On croit que c'est de Chartres qu'un évêque de Tréguier a obtenu les reliques de s. Tugdual, qu'on voit maintenant dans cette dernière ville, et qui sont des fragments d'os de bras, enchâssés autrefois dans un bras d'argent, cachés pendant la révolution, et placés depuis dans un beau reliquaire de bronze doré qui a été donné par Monseigeur de Quelen, archevêque de Paris."

Winoc (saint).- Ayant quitté la Bretagne au VIIe siècle en compagnie de saint Josse, il fut accueilli à l'abbaye de Sithiu à Saint-Omer (Pas-de-Calais), d'où saint Bertin l'envoya fonder un monastère en Flandre à Wormholt (Nord) ; il est le patron de la paroisse, devenue Wormhout, où il décéda le 6 novembre 717. Ses restes furent transportés à Saint-Omer au IXe siècle pendant les invasions normandes, qui ruinèrent le monastère de Wormhout. A peu de distance, une église fut construite vers 900 sur une colline (Groenberg), et le corps de saint Winoc y fut transporté. Ce fut l'origine de la paroisse de Bergues Saint-Winoc (SintWinoksBergen), où une abbaye fut fondée au Xe siècle.
Le prénom Winoc fut d'usage courant dans la région.
Le nom du saint a subsisté également en Bretagne, où saint Winoc est patron de la paroisse de Plouhinec dans le Finistère. Cependant, l'étymologie du nom ne confirme pas ce lien, puisque le nom contient le mot vieux breton ethin, ajonc ; Plouhinec est donc la paroisse où pousse de l'ajonc, et il serait intéressant de savoir à quand remonte le culte de saint Winoc dans cette paroisse.
Selon Dom Lobineau et l'abbé Tresvaux, "On conserve très-religieusement, à Bergues, le corps de S. Winnoc qui est porté tous les ans en procession le jour de la Trinité, et trempé dans la rivière de Colme, qui passe au pied de la ville [...]. Son chef était dans un buste très-riche, et le reste de ses ossements dans une châsse d'argent. Lors de la spoliation des églises en 1792, on déposa ces saintes reliques dans deux boîtes qui furent scellées et placées dans une armoire du presbytère, où elles restèrent jusqu'en 1820. A cette époque, le curé de la paroisse, désirant augmenter le culte du saint patron, fit appeler plusieurs notables de la ville, qui avaient été présents à l'extraction des reliques en 1792 ; ils reconnurent les boîtes dans lesquelles on les avait alors enfermées, et déclarèrent que ces boîtes n'avaient subi aucun changement. Un acte fut rédigé en conséquence et adressé à M. l'évêque de Cambrai, qui décida que les reliques étaient authentiques. On en fit, le 8 juin 1820, une translation qui attira un concours extraordinaire de peuple. Depuis, les ossements du saint ont été replacés dans un buste et une châsse d'argent qui ont coûté près de 18,000 francs"

Yves (saint). - On peut lire le texte de la vie de saint Yves par dom Lobineau revu et complété par l'abbé Tresvaux (1837), et en particulier le paragraphe très long sur la dispersion des reliques en France, en Belgique et en Italie...

ABBAYES

Le Bourg-Dieu.- Fondée en 917 dans l'Indre à Déols (importante cité gallo-romaine qui sera remplacée plus tard par Châteauroux créé à proximité), l'abbaye bénédictine du Bourg-Dieu reçut les moines de Rhuys en 920. Elle fut dévastée par les Huguenots au 16e siècle, et supprimée en 1622.

Floriac, ou Fleury.- Située sur la commune de Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret) à 30 km à l'est d'Orléans, cette abbaye fut pillée par les Normands en 910. C'est de là que partirent les restaurateurs de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys le siècle suivant. Pourtant, il est peu probable que les reliques de saint Gildas y soient arrivées, après leur éventuel séjour à Déols. Celles-ci sont considérées comme étant restées (partiellement ou totalement) à Rhuys. Elles n'avaient en effet aucune chance de s'imposer à Fleury, où les reliques de saint Benoît, le fondateur de l'ordre des Bénédictins, avaient été ramenées en 672 ou 673 du Mont-Cassin (Italie) ; il y était mort vers 547 et y avait été enterré à côté de sa soeur (parfois dite jumelle) sainte Scholastique, fondatrice de l'ordre des Bénédictines.
Voir sur le site internet de l'abbaye de Saint-Benoît quelques commentaires sur le rapt (que l'on appelait plus volontiers "translation") des restes des deux "jumeaux" : http://www.abbaye-fleury.com/histoire.html
Considéré comme le père du monachisme occidental, saint Benoît a été proclamé "patron de l'Europe" par le pape Paul VI en 1964.

Marmoûtiers.- Saint Martin fonda ce monastère aux portes de Tours. Ce fut une abbaye célèbre, qu'il ne faut pas confondre avec Marmoutier dans le Bas-Rhin (aujourd'hui, un "s" a été ajouté au nom de l'abbaye de Tours). Elle eut beaucoup de relations avec la Bretagne, et l'abbaye de Saint-Magloire de Léhon, déclassée par celle de Paris, en devint un prieuré. Elle a longtemps possédé les reliques de saint Corentin.

Saint-Florent le Vieil.- Le monastère de Saint-Florent fut fondé au VIIe siècle sur le Mont-Glonne, qui surplombe la rive sud de la Loire, face à la Bretagne, à 10 km à l'est d'Ancenis. En 853, les Normands investirent le site, et s'installèrent à demeure au pied du mont, sur l'ïle Batailleuse, d'où ils rançonnaient le monastère. Les chroniqueurs de Saint-Florent font les mêmes reproches aux Normands et aux Bretons, et rapportent que Nominoë imposa une rançon au monastère à partir de 849. En 866, les moines fuirent vers l'est, et le monastère de Saint-Florent le Jeune fut fondé près de Saumur au Xe siècle. Pourtant, le monastère de Saint-Florent le Vieil devint une importante abbaye bénédictine, jusqu'au XVIIIe siècle. Selon Albert Le Grand, les reliques de saint Pol de Léon s'y trouvaient, et disparurent lorsque les Huguenots pillèrent l'abbaye en 1567. mais Dom Lobineau semble affirmer que c'est à Fleury-sur-Loire que se trouvaient ces reliques. Il faut donc admettre qu'il y eut probablement confusion entre les deux noms Floriac et Florent.

Saint-Josse-sur-Mer.- Un monastère fut fondé à quelques kilomètres à l'ouest de Montreuil-sur-Mer après la mort de saint Josse en 669, attirant une foule de pèlerins désireux d'invoquer le saint, déjà vénéré de son vivant. Ce monastère apportait des revenus non négligeables, et fut bientôt rattaché à l'abbaye de Ferrières. A l'époque des invasions normandes, les reliques de saint Josse furent transférées en Grande-Bretagne vers 903, à l'abbaye de Hyde près de Winchester fondée par un religieux de Saint-Bertin. Les moines revinrent par la suite, et l'abbaye de Saint-Josse-sur-Mer fut très prospère pendant des siècles. Elle contribua certainement à la propagation du culte de saint Josse dans toute l'Europe. Pourtant l'abbaye décline au XVIe siècle, époque où son église tombe partiellement en ruine. Les bâtiments n'existent plus aujourd'hui, et les reliquaires du saint ont été transférés à l'église paroissiale. Le culte de saint Josse est encore très vivant aujourd'hui, et la neuvaine entre la Pentecôte et la Trinité est l'occasion de fêtes importantes lors du pèlerinage annuel. Une procession longue de 14 kilomètres se déroule le mardi de la Pentecôte en parcourant avec la châsse du saint des lieux attachés à son souvenir et à ses actions miraculeuses. Une seconde procession plus réduite a lieu le dimanche de la Trinité, avant la grand-messe en plein air.

Saint-Magloire de Léhon .- Abbaye fondée près de Dinan (Côtes d'Armor) au IXe siècle à l'occasion d'une donation de Nominoé. Les moines fondateurs organisèrent la translation du corps de saint Magloire depuis l'île de Serk, où il s'était établi après avoir succédé à saint Samson à Dol, et où il était décédé. Il est probable que c'est avant le pillage de l'abbaye par les Normands que fut décidé l'exil des corps saints rassemblés à Léhon à cette intention, opération qui selon l'abbé Tresvaux avait été menée par Salvator, évêque d'Aleth. L'abbaye fut restaurée au XIe siècle, et fut d'abord un prieuré de l'abbaye Saint-Magloire de Paris, puis au XIIe siècle fut rattachée à l'abbaye de Marmoutiers près de Tours. Les bâtiments de l'abbaye survécurent à la Révolution, et leur restauration fut entreprise au XIXe siècle.
L'église abbatiale est aujourd'hui l'église paroissiale. Elle contient un petit reliquaire hébergeant des "Fragments des ossements des Saints Magloire, Samson, Leutiern et Gueganton et Scophili et de plusieurs autres saints" selon la mention qui y était associée. Ces reliques, retrouvées en 1987 au fond d'un grenier de l'abbaye, "avaient probablement été rapatriés à Léhon au XIXe siècle par l'intermédiaire de Mgr de Lesquen, évêque de Beauvais et de Reims, natif de Trégon qui se retira à Dinan jusqu'à son décès en 1855." [B. Merdrignac, Ar Men n. 23, oct. 1989, p. 47]. L'abbaye se visite aujourd'hui pendant les mois d'été. Pour une visite à distance en images, allez à http://perso.wanadoo.fr/lehon-22/


reliquaire de Saint-Magloire (avec l'autorisation de F. et C. Picarda)
A noter que, début mars 2004, le tube en verre contenant les reliques a été volé (en laissant intact le reliquaire). On ignore tout des motivations du ou des auteurs du rapt des reliques, non récupérées au 15 mai 2004. Si vous rencontrez cet objet au cours de vos pérégrinations, n'hésitez pas à le signaler.

Saint-Magloire de Paris.- Abbaye qui fut probablement fondée à Paris par les moines de Léhon fuyant les invasions normandes au Xe siècle. Ils amenaient avec eux un nombre important de corps saints, et ces reliques furent partiellement (parcimonieusement ?) rétrocédées à la Bretagne par la suite. Une quantité importante resta à Paris, et contribua à la renommée de l'abbaye, qui prit le nom de Saint-Magloire. Elle était située au cœur de la ville, sur la Rive Droite, près de la rue Saint-Denis. L'abbaye et ses moines furent déplacés au XVIe siècle, ainsi que les reliques, vers l'église Saint-Jacques du Haut-Pas, en haut de la rue Saint-Jacques, sur la Rive Gauche. Divers manuscrits associés aux reliques permettaient d'identifier les saints concernés, sans qu'il soit certifié qu'aujourd'hui il soit encore possible d'associer clairement les saints et les différents ossements subsistant. La fondation réelle de l'abbaye Saint-Magloire est parfois attribuée à Hugues Capet, roi de France de  987 à 996, qui y fut enterré. Il n'existe plus d'église ou de rue du nom de Saint-Magloire aujourd'hui à Paris. Il subsiste de nombreux documents relatifs à ses multiples prieurés dispersés autour de la capitale (dont celui de Saint-Mandé). Et l'abbé Tresvaux cite parmi les textes hagiographiques sur saint Magloire le Bréviaire de Paris de 1745.
Pour en savoir plus :
- Le texte de Dom Lobineau sur l'abbaye de Saint-Magoire et ses reliques, et les informations de Joseph Chardronnet.
- Chartes et documents de l'abbaye de Saint-Magloire, éd. par Anne Terroine et Lucie Fossier, Paris, CNRS Editions, 1966-1998.
- Lisez un extrait de l'ouvrage de Paul Féval "Le Bossu", qui décrit le quartier de Saint-Magloire au XVIIIe siècle.

Saint-Melaine.- Le premier établissement monastique fondé auprès du tombeau de saint Melaine s'était développé à l'extérieur de Rennes et eut à souffrir des troubles du IXe et Xe siècles ; au XIe siècle, il fut reconstruit par des moines venus de l'abbaye Saint-Florent de Saumur. Du XIIe siècle reste une partie de l'édifice roman, qui a gardé son volume d'origine : le carré du transept de l'église Saint-Melaine date de cette époque. Dom Lobineau vécut plusieurs années dans l'abbaye Saint-Melaine, avant de finir sa vie à l'abbaye de Saint-Jacut.

Saint-Victor de Paris.- Fondée en 1108 par Louis VI le Gros, elle était située à l'extérieur de l'enceinte de Philippe-Auguste, au sud de la Seine. Richement dotée par les rois de France et les évêques de Paris, elle connut une période de développement important ; le prieuré Saint-Guénault de Corbeil lui était rattaché. Il n'en reste rien aujourd'hui, même pas un nom de rue, et, si elle fut remplacée après la Révolution par la Halle aux Vins, aujourd'hui se trouve à son emplacement l'Université de Paris-Jussieu (VIe). Cette abbaye possédait les reliques de quelques saints bretons, et en particulier saint Malo, comme le dit Dom Lobineau.

Saint-Wallois.- Le nom de Mosteriol (dérivé de Monasteriolum) pour Montreuil (Pas-de-Calais) semble apparaître vers 898, donc avant l'arrivée des moines de Landévennec (sauf si ceux-ci ont quitté la Bretagne en 878, lors des troubles qui suivirent la mort de Salomon). Mais la fermeté d'Helgaud ne fut construite qu'après 894, ce qui place obligatoirement leur arrivée au moins après cette date.
Une charte d'Henri Ier (datée de 1042) rappelle la donation faites par Helgaud pour fonder le monastère, et donne au saint le nom de "sanctum Wingalocum" (faut-il lire "Wingaloeum"?). L'abbaye Saint-Wallois succédait ainsi à l'héritage de saint Josse ; elle conservera les reliques et objets du saint (dont sa clochette à main) même après le retour des moines en Bretagne (au plus tard en 950).
Plusieurs années après l'arrivée des moines de Landévennec, de nouvelles reliques arrivèrent à Montreuil, à la recherche d'un abri sûr. C'est ainsi qu'arrivèrent les reliques des saints bretons Malo (Maclou), Corentin, Conogan, Ethbin et Gudwal.
Ceci peut expliquer pourquoi une grande place de marché, hors de la ville, était appelée "Markiet Saint-Maclou", et une foire célèbre s'y tenait tous les ans ; saint Maclou devint le patron de l'agglomération de Montreuil.
Au XIe siècle, l'abbaye Saint-Wallois devint l'abbaye Saint-Saulve, du nom d'un certain Salvius qui fut évêque d'Amiens au VIIe siècle.
Une église Saint-Wallois, proche de l'abbaye, existait aussi à Montreuil, ouverte aux fidèles comme l'église Saint-Josse.
A la Révolution, toutes les reliques et objets de culte restant des saints bretons furent malheureusement détruits, sans doute en 1793, sous la Convention (qui dura de 1792 à 1795).
Nota : le nom Saint-Walloy est aussi d'usage à Montreuil, et on peut lire sur un même document "abbaye Saint-Wallois" et "maison de retraite Saint-Walloy" sur la place "Saint-Walloy". Un autre document citera la rue Saint-Wallois.
Il semble qu'il y ait eu une certaine confusion entre le nom de saint Walloy (dérivé du breton Waloe) et les anthroponymes "Valois" et "Wallois", ce dernier ayant pu résulter de l'attraction du nom des Gallois, sous sa forme normanno-picarde. Il n'est donc pas surprenant de rencontrer au Moyen-Age à l'Hôtel-Dieu de Montreuil un certain Josse Le Wallois, qui n'avait peut-être aucune ascendance bretonne ou galloise...

Pour en savoir plus sur Montreuil et ses reliques, consultez les ouvrages suivants :
- Dom Philippe Rouillard, revue Sanctuaires et pèlerinages, n°21, 1960.
- Abbé Robitaille, Vie de saint Josse, 1867.
- Chanoine Corblet, Hagiographie du diocèse d'Amiens, 1873.
- André Oheix, Les reliques bretonnes de Montreuil-sur-Mer, Bulletin de l'Association Bretonne, congrès de 1905.

Saint-Winoc.- L'abbaye Saint-Winoc fut fondée au Xe siècle à Bergues, en Flandre, où son nom fut associé à celui de la ville (Bergues Saint-Winoc en français, SintWinoksBergen en flamand). Les moines durent la quitter à la Révolution, ce qui entraîna son abandon et son délabrement ; il n'en subsiste aujourd'hui que des ruines (sauf les deux tours, la tour pointue et la tour carrée, récemment restaurées). A Bergues, situé seulement quelques kilomètres au sud de Dunkerque, se trouve le collège Saint Winoc fondé il y a 400 ans. Probablement mis au point autrefois dans l'abbaye, un fromage du nom de Saint-Winoc, affiné à la bière, est encore fabriqué artisanalement aujourd'hui (bien qu'en risque de disparition); il existe aussi à Bergues un chocolat nommé " chocolat Saint Winoc".

Bibliographie :
Jean Leroy, Quand Montreuil était sur mer - Quentovic, 1979 [chapitres sur saint Josse et saint Gwennolé].
Hubert Guillotel, L'exode du clergé breton devant les invasions scandinaves, in Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne (M.S.H.A.B.), tome LIX, 1982, p. 268-315 ; dont appendice : Translatio sancti Maglorii, p. 301-315.
Marc Simon o.s.b, L'abbaye de Landévennec
de saint Guénolé à nos jours, Ouest-France, Rennes, 1985 ; dont Le culte de saint Guénolé, p. 292-309.
Fañch Morvannou, Saint Guenaël, CRBC-Brest, Britannia Monastica n°4 CIRDoMoC-Landévennec, 1997.
Jacques Le Goualher, La translation des reliques de saint Guenhaël au Xe siècle, Britannia Monastica n°6, CIRDoMoC- Landévennec, 2002, p. 143-190.

Notes :
Confession : caveau funéraire contenant le corps d'un martyr, au-dessus duquel s'élevait un autel. Il était interdit aux fidèles, qui pouvaient cependant voir le tombeau à travers une petite ouverture dite fenestra ou fenestrella.
[ définition extraite du Grand Larousse en cinq volumes, 1987]
La définition est à adapter en sachant que le mot "martyrs" s'étend aussi aux saints, et qu'un martyrologe est un catalogue des martyrs et des saints. Le fait de voir à distance ou d'approcher des reliques était susceptible d'apporter la guérison ou l'exaucement d'un voeu. Ces pèlerinages étaient sans doute peu différents de ceux de Lourdes ou de Pontmain, ou encore de Sainte-Anne d'Auray aujourd'hui. Quant à toucher les reliques, l'événement devait être si extraordinaire qu'il était probablement réservé à des personnages très puissants.

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